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Benjamin Courtadon : "Quand on n’utilise pas de produits qui tuent la vie… et bien, la vie se porte plutôt bien"

Dans cette interview, Benjamin Courtadon, notre producteur de Maceron sauvage, vous explique tous les secrets de cet ingrédient méconnu qui donne une profondeur et une puissance aromatique unique à notre Gin, Anaë.
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Pour comprendre Anaë Gin, il faut rencontrer les producteurs français de ses ingrédients bio. Car lorsqu’on découvre leur histoire, leur travail ou leurs convictions, ce qui se trouve dans le verre prend un nouveau sens. Si le mystérieux Maceron sauvage a été une réelle révélation pour notre recette et a changé la face aromatique de notre Gin, notre rencontre avec Benjamin Courtadon de la Ferme des baleines a aussi influencé une part non négligeable du « Cultiver l’essentiel » de notre vision. Qu’est-ce que le Maceron sauvage ? Comment se cultive-t-il ? Quels sont ses secrets ? Réponses en direct de l’île de Ré !

Quelle est l’histoire entre la Ferme des Baleines et le Maceron ?

Il y a une petite dizaine d’années, quelques sauniers ont commencé à ramasser le Maceron pour le commercialiser, notamment Cédric qui est un ami avec lequel nous travaillons régulièrement. Nous avons un peu suivi le mouvement, en faisant au préalable certifier nos marais AB, et en pariant sur une torréfaction de notre récolte. Nous avons également misé sur la commercialisation en vrac pour les professionnels et les transformateurs, là où les autres s’orientaient plutôt exclusivement vers le grand public dans des tout-petits contenants à des prix élevés. Rapidement, il s’est avéré qu’il y avait un vrai engouement autour du Maceron, du côté de ceux qui cherchent à sourcer un « poivre » local, mais aussi du côté des vrais amateurs de poivre (et il y en a beaucoup) toujours friands de saveurs nouvelles. Cela nous a permis de diversifier notre production. Sans compter que la période de récolte se situe à un moment où on a un peu moins de travail sur les huîtres, et où on a en général des saisonniers et/ou des stagiaires qui peuvent contribuer à sa récolte. C’est une activité parfaite pour occuper une ou deux heures de libre : « Allez hop, on va se faire quelques kilos de Maceron pour finir la journée ! ».

Pourquoi vos marais sont-ils particulièrement adaptés à cette plante ?

Le sol de nos marais, constitué d’argile et d’une terre lourde, convient particulièrement bien au Maceron, qui s’y plait naturellement. Mais c’est valable pour tous les marais sur l’ile de Ré. Ce n’est pas propre à ceux de la ferme. Après, on remarque qu’il y a vraiment des différences de tailles de grains, de couleurs, de saveurs également suivant l’endroit où il pousse, l’exposition ou la densité des plants.

Vous ne le cultivez pas. Il est totalement sauvage. Comment résumer cette relation libre ?

Comment résumer cette relation ? Et bien, il y a des années à Maceron, et des années sans. Souvent, les années à moutarde noire sont des mauvaises années pour le Maceron, et vice versa. Nous n’y pouvons pas grand-chose, nous le constatons simplement. Notre méthode de récolte, très artisanale voire moyenâgeuse, fait que de nombreuses graines tombent au sol et sont disponibles pour germer l’année suivante. Le Maceron étant une plante bisannuelle, les graines qui germent l’hiver ou le printemps suivant ne sont pas celles qui donneront les fruits de l’été. On essaye de s’adapter en récoltant un maximum de Maceron quand c’est une bonne année, pour essayer d’en avoir assez pour les mauvaises années. Une fois séché au soleil, puis trié, il se conserve très longtemps dans des seaux alimentaires sans que la saveur ne s’altère.

Maceron sauvage de Anaë Gin dans les marais de la Ferme des baleines sur l'île de Ré

Depuis que vous le « travaillez », qu’avez-vous appris sur lui ?

J’ai appris qu’il est souvent judicieux de commencer à le ramasser un peu vert pour le faire ensuite maturer au soleil sur un séchoir, car il est plus facile à ramasser, et souvent moins plein d’araignées. Qu’il faut donc profiter des beaux jours de la fin juin, début juillet car parfois un beau coup de vent en juillet peut déjà « déplumer » les plants et ne pas laisser grand-chose à ramasser. Mais qu’à l’inverse si l’été est sec et pas trop venteux, on peut en récolter jusqu’en septembre sans problème. Peu à peu, les grains ont tendance à flétrir au cours de l’été, à se rabougrir. 

Quelle est votre méthode pour le ramasser ?

Les méthodes diffèrent un peu suivant le ramasseur. Personnellement, je trouve que le plus efficace est d’utiliser une grande poubelle noire de 200 litres, de couper les tiges au sécateur et de taper les efflorescences dans la poubelle. C’est ce qui permet d’en perdre le moins. Si on veut aller vite et que les grains ne sont pas trop mûrs, on peut aussi plier la tige dans la poubelle et la secouer. Mais parfois on en met plus en dehors que dedans ! Une chose est sûre, il ne faut pas être arachnophobe, car le Maceron est recouvert de petites araignées… Alors souvent, on a des ramasseurs qui poussent plus de petits cris effrayés qu’ils ne ramassent de Maceron ! 

Faire le choix de l’organique, c’est accepté la vie sur chaque plante. Comment s’organise la cohabitation avec les insectes ? 

C’est bien simple, les insectes sont chez eux. Le Maceron n’a pas vraiment d’insectes qui le consomment, il est plutôt un habitat pour beaucoup d’entre eux. Alors on les dérange en le ramassant, et on les laisse ensuite s’enfuir tranquillement en faisant sécher les grains au soleil. Au début, on a fait l’erreur de faire sécher en intérieur, ou de laisser une récolte une nuit dans le coffre d’un véhicule. Je te laisse imaginer le résultat… 

 

Baies de Maceron sauvage de la ferme des baleines sur l'île de Ré utilisées dans la recette de Anaë Gin

Quel est le secret de votre ferme pour avoir une telle richesse en matière de biodiversité ?

Notre secret, c’est de bannir les « IDES ». Pas de fongicides, herbicides, insecticides à la ferme. Du coup, quand on n’utilise pas de produits qui tuent la vie… et bien la vie se porte plutôt bien ! 

Beaucoup de gens semblent redécouvrir le Maceron. Comment expliquer ce « comeback » ?

Je crois qu’il y a clairement un intérêt croissant pour les légumes anciens et les plantes oubliées. Dans le cas du Maceron, il y a sa proximité avec le poivre, qui en fait un produit super intéressant pour tous les gens qui cherchent à consommer de manière plus locale, plus responsable, en évitant les importations de produits depuis l’autre bout de la planète. Et puis il faut dire qu’il a des saveurs intéressantes ce Maceron ! 

« La Ferme des baleines et le Maceron sauvage », une histoire vouée à continuer longtemps ?

Oui, cela va durer ! Cette année on a lancé le Maceron moulu torréfié, et ça cartonne ! On intègre également le Maceron dans nos recettes de cornichons produits à la ferme, et on l’intègre aussi dans des bocaux de rillettes à la Salicorne. L’étape d’après est de proposer une moutarde bio à la fleur de sel et au Maceron torréfié. Et puis, on propose à nos visiteurs de goûter les huîtres avec un tour de moulin de Maceron. Bref… on en met un peu dans tous nos produits, et ça va continuer !

Bouteille de Anaë, Gin français bio, avec du Maceron sauvage de l'île de Ré

Pour en savoir plus sur la Ferme des baleines et son Maceron sauvage, rendez-vous sur son site internet