Vincent Berthe est bartender au sein du bar Andy Wahloo en plein cœur de Paris. Vincent n’est pas un ingénieur de la mixologie mais davantage un auteur, un artiste qui révèle toute sa créativité à travers des cocktails d’une précision extraordinaire. Très proche du milieu de la restauration, cet autodidacte est toujours en quête de nouveaux horizons, de nouvelles saveurs qu’il découvre le plus souvent grâce à ses passages dans les cuisines.
Tu devais devenir graphiste, pourquoi es-tu devenu bartender ?
J’ai toujours aimé l'art, la création mais je n'ai pas trop aimé le contexte dans lequel j'ai commencé mes études d'art. Je me suis naturellement tourné vers la restauration comme j'aimais le contact avec les clients. J'ai commencé dans la restauration classique et petit à petit, je me suis dirigé vers le bar puis vers le bar à cocktails où j'ai vraiment retrouvé cette dynamique de création. J’aime emmener les clients dans mon univers, leur apprendre des choses, les intéresser. Ça fait dix ans que je fais ça et ça me plaît toujours autant !
Entre le milieu du bar et de la restauration, il y a une vraie différence et un apprentissage à faire, comment l’as-tu fait ?
Il y a des formations comme les mentions complémentaires barman par exemple en école d'hôtellerie. Moi, je n'ai pas vraiment suivi ce cursus. J'ai vraiment appris sur le tas, par la lecture et les rencontres dans des bars à cocktails. J’ai aussi eu des mentors qui m’ont accompagné tout au long de ma carrière. C’est très important d'avoir quelqu'un qui t'emmène avec lui dans son univers au même titre que tu emmènes les clients. Apprendre de plusieurs personnes, ça permet de forger ce que tu aimes et ce que tu as envie de faire ressentir aux gens. Aujourd’hui, c’est Kaled Derouiche qui m’inspire !
On retrouve souvent ce parallèle entre la restauration et le bar. Mais qu'est-ce qui t’a autant plu dans le bar ?
La création m’a beaucoup plu dans la mixologie mais aussi le côté très théâtral du bar, la lumière est un peu sur toi. Dans le milieu du bar à cocktail, il y a des gestes esthétiques qui attirent le regard. J’ai toujours aimé ce côté un peu théâtral où c'est toi qui fais un peu ton ambiance suivant ce que tu dégages. Le parallèle entre la cuisine et le bar, c'est que le bar découle de la cuisine. En tout cas, c'est l'impression que j'en ai. La cuisine, la pâtisserie, nous sommes leurs petits-enfants.
Comment fais-tu pour créer des cocktails ?
Il y a beaucoup de gens dans le bar qui travaillent de manière très méthodique, presque mathématique, je travaille personnellement beaucoup à l'instinct. Dans le bar, on parle de la technique des trois S, “Sweet, Sour et Strong”. Normalement, si tu respectes ces dosages-là, tu es à peu près sûr d'avoir un cocktail qui fonctionne. Je visualise beaucoup, je m'imagine les goûts. Je suis assez content parce que la plupart du temps, ça fonctionne et j'arrive au résultat que je veux. Parfois, il y a des ratés mais c'est aussi ça la beauté du jeu.
Pour toi, c'est quoi un bon cocktail ?
Un bon cocktail te fait découvrir des produits. J’aime faire des cocktails avec des produits que les gens ne connaissent pas, un spiritueux, un fruit, une herbe, quelque chose pour que les gens aient une expérience. Il faut qu'il y ait une vraie expérience surtout dans les bars à cocktails comme Andy Wahloo. J’aime aussi mettre des contres pieds aux clients, leur faire changer d’avis sur un produit qu’ils n’aiment pas en l’utilisant dans un cocktail.
Comment construisez-vous votre carte ?
Andy Wahloo a une mouvance orientale. À la carte, on a du Ras El-Hanout, de la fleur d'oranger, pas mal d'épices, de la betterave... beaucoup de produits orientaux. Les fondateurs sont d'origine marocaine et ça se retranscrit sur notre carte de cocktails. Même si c’est un univers que je connaissais un peu comme je travaillais à Magniv, un restaurant israëlien, il me reste encore beaucoup de saveurs à découvrir.
Tu as créé un cocktail avec le Gin Anaë "un air de marais", pourquoi l’as-tu construit comme ça ?
Pour créer ce cocktail, j'ai pensé au thym citronné en rappel aux botaniques utilisées dans le Gin Anaë. J'ai rajouté un petit peu de kaffir pour booster encore plus le côté citronné, un peu de verjus pour éviter une acidité. Le Vermouth Dry et le laurier m’ont permis de ramener une touche herbacée, un peu sèche. J’ai ajouté un peu de mezcal pour apporter un côté fumé. C’est un produit que j’aime beaucoup travailler, il a une très belle palette aromatique et vient booster ce goût unique qu’a Anaë. Je finis avec la feuille de kaffir pour faire un rappel. C'est la feuille du combava, un agrume asiatique très aromatique. Tu as juste à prendre une feuille, à la froisser un petit peu et c’est explosif !